Bonjour!
Arrivé en Chine en avril 2005, cela fait maintenant plus de 3 ans que je vis à Shanghai. C'est donc avec grand intérêt que je viens de lire le "Dojos du monde" sur Shanghai. L'article d'Arthur Frayer m'a cependant laissé une impression mitigée.
Le judo est un sport peu pratiqué en Chine, c'est
vrai.
Pour l'essentiel, les judokas Chinois sont des élèves ou étudiants d'écoles de sport, inscrits dans un cursus spécialisé et pratiquant de manière "professionnelle" (type sport études, INSEP...), au rythme (sévère) de 5 à 8 heures d'entrainement par jour, 6 jours par semaine. Essentiellement orientée vers la réussite en compétition, cette filière vise à mon avis surtout à assurer la représentation de la République Populaire de Chine aux compétions internationales (car sport olympique).
La pratique du judo dans ces écoles fait abstraction totale des valeurs et de "l'éducation judo": on n'y salue pas le portrait du fondateur Kano mais le drapeau chinois en fin de cours, et l'enseignement technique est essentiellement orienté vers la compétition (ainsi, on n'y pratique pas les ukemis pendant les randoris). Le judo y est donc dépouillé de son caractère "japonais" (l'antagonisme entre les 2 pays est bien connu...). Reste la technique: on sait y "faire le judo" (la moisson de médailles d'or féminines le prouve bien). C'est la filière suivie par Huang Hua, l'entraineur du club visité par Arthur Frayer; les "écarts de conduites" mentionnés dans son article ne sont donc pas vraiment surprenants.
Le judo n'est absolument pas médiatisé en Chine (il est souvent confondu avec le taekwondo
...) et la pratique "loisir" (privée) est marginale; elle se limite à:
1. Des cours de judo donnés par d'anciens élèves de ces filières sport, dans des salles de gym, entre 2 cours d'aérobic et de danse du ventre, ou dans des salles de taekwondo (sport beaucoup plus populaire) comme dans l'article. On ne peut pas vraiment appeler cela des dojos.
Les "clients" sont en général: 1.chinois, 2.débutants, 3.peu nombreux (j'ai appelé ce club il y a quelques mois; elle m'avait alors parlé de cours "particuliers": il n'y avait pas toujours des étudiants, de plus ils étaient tous débutants).
Ayant passé la durée de leurs études à la pratique du judo, les étudiants de la filière sport n'ont en général pas de débouché professionnel après leur retraite sportive (à 23-24 ans, souvent bien plus tôt quand les résultats en compétition ne suivent pas; souvent ce n'est pas l'athlète qui décide...). Certains s'en sortent comme prof de judo dans ces mêmes écoles de sport, d'autres dans les forces spéciales de la police; mais le nombre de places est limité (réservé aux meilleurs compétiteurs).
Le salaire net moyen d'un ouvrier non qualifié (ou d'un simple gardien de sécurité) dépassant rarement les 1000 yuans (100€) par mois, je n'irai personnellement pas jeter la pierre à Huang Hua pour son "sens des affaires". Ici chacun s'en sort comme il peut...
2. De vrais "dojos", ouverts par des expatriés (Japonais, Français) installés en Chine depuis quelques années, où la pratique est plus conforme à ce que l'on connait en Europe ou au Japon. Ce genre de clubs se compte sur les doigts d'une main; personnellement je n'en connais que 2:
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Ryushinkan à Shanghai (
http://www.bonjourchine.com/f1/f19/29841-club-judo-%E3%A0.html) mené par des expatriés japonais (M. Aizono).
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Seidokan à Pékin (
http://www.judobeijing.com/), mené par Arnaud Lefevre-Baril.
Il y en a peut-être d'autres, notamment a Dalian et Qingdao où les expatriés japonais semblent être assez nombreux; sinon, il faut aller jusqu'à Hongkong (Hong Kong Judokan et autres).
Si l'article d'Arthur Frayer me laisse une impression mitigée, c'est qu'il fait abstraction d'une partie du contexte et se base sur une seule (mauvaise) expérience: il n'a pas trouvé le bon club, c'est tout; et si ce côté mercantile existe, il ne faut pas en faire une généralité.
Il est en effet tout à fait possible de pratiquer le judo à Shanghai pour un prix plus que raisonnable; j'en prends pour exemple:
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Shanghai Ryushinkan: 150 yuan/mois (15€) pour les Chinois et les étudiants étrangers, 250 yuan/mois (25€) pour les étrangers ayant un emploi (fonction donc des capacités financières de chacun...). Je sais par expérience personnelle que ce club n'a pas de but lucratif.
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Shanghai Sports School: c'est le lieu d'entrainement de l'équipe de Shanghai (Shuidian Lu, près de Zhongshan Bei Lu, district Hongkou). Il est possible de participer aux entrainements
gratuitement (déconseillé aux débutants cependant...).
J'ai eu la même expérience dans un lycée-collège du sport à Pékin où l'entraineur me laissait participer gratuitement au cours.
Il est aussi tout à fait possible d'acheter un judogi à un prix décent: à Décathlon pour le même prix qu'en France, ou directement auprès d'une usine shanghaïenne si vous parlez chinois et avez leur contact (environ 200 yuan - 20€ - pour un dogi de qualité plus que correcte).
Simplement, il faut savoir chercher! C'est ce qu'on attend d'un journaliste...
Arthur Frayer aurait du creuser plus que cela : personnellement je trouve son article incomplet.